Un Fablab dans chaque quartier ?

Etat des lieux :

Je me suis rendu le 7 mars 2024 au rassemblement de l’écosystème des tiers-lieux d’Ile-de-France. Pour la première fois, le consortium Île-de-France Tiers-Lieux composé de 4 réseaux de tiers-lieux franciliens (A+ c’est mieux !, Actes If, Makers IDF, le Collectif des Tiers-Lieux) se retrouvait pour une journée autour du thème de l’Etat des Lieux (tu l’as?)

J’ai participé (activement) à deux ateliers l’un : « Faire ensemble pour (presque) tout fabriquer distribuée » avec le RFFLabs et l’autre « 2050, Tiers-lieux et nouveaux récits écologiques » organisé par l’ADEME et A+ c’est mieux.

Ce n’est pas vraiment un compte-rendu mais cela a inspiré le billet suivant en tentant de répondre à la question : Pourquoi faut-il un Fablab dans chaque quartier ?

Quels enjeux ?

La Fabrication Distribuée : Un Levier de Résilience et d’Innovation

Tout d’abord, replongeons-nous dans un concept clé. La fabrication distribuée est présentée comme un avenir souhaitable de la production : déconcentrée, collaborative et écologique. Envisagez en 2030, chaque Francilien pourrait devenir un acteur actif de cette révolution grâce aux Espaces du Faire comme les FabLabs et les Makerspaces.

La pandémie de Covid-19 a révélé les failles de notre système productif. Mais elle a aussi montré la force de la fabrication distribuée : des communautés autour des Fablabs se sont mobilisées pour créer et partager des solutions en un temps record, prouvant l’efficacité et l’agilité de ce modèle.

Ce concept d’organisation distribuée, imaginé par Paul Baran en 1962 pour les télécommunications, trouve aujourd’hui un écho dans notre manière de produire et d’innover. Chaque nœud du réseau, qu’il soit un ordinateur ou un atelier, contribue à la résilience et à la créativité collective.

Le premier confinement a, nous l’avons vu, en effet été un catalyseur pour la fabrication distribuée, transformant chaque individu en maillon d’une chaîne d’innovation sans précédent. Comme le souligne Dimitri Ferrière (Mr Bidouille) :

le mouvement maker est devenu une “usine géante” doublée d’un “département de recherche et développement”.

De la Smart City à la Fab City ?

Le modèle Fab City, initié par Tomas Diez, directeur du Fablab Barcelona, incarne cette vision : utiliser le numérique pour relocaliser l’économie et créer localement des laboratoires de fabrication numérique. C’est une invitation à repenser notre production, pour une société plus résiliente et plus verte. La Fab City est un mouvement international qui vise à rendre les villes autosuffisantes à hauteur de 70 % de leurs besoins dans trois domaines clés : la fabrication de biens, la production agricole et la production énergétique.

La ville du quart d’heure:

La ville du quart d’heure peut-elle en être une des incarnations ? Un élément spatial de base ? C’est un concept urbain innovant qui vise à créer une métropole où tous les services essentiels sont accessibles en 15 minutes de marche ou de vélo. Inspiré par l’urbaniste franco-colombien Carlos Moreno, ce modèle cherche à réduire les déplacements motorisés et à améliorer la qualité de vie des habitants.  Les FabLabs pourraient jouer un rôle crucial dans le concept de la ville du quart d’heure.

Les Objectifs de la Ville du Quart d’Heure à Paris:

Paris souhaite devenir la ville des proximités, où l’on trouve tout ce qui est nécessaire à quinze minutes de chez soi, en transformant l’utilisation de certains équipements existants et en imaginant de nouveaux espaces comme les kiosques citoyens.

• Proximité: Assurer que les services essentiels comme les commerces, les soins, l’éducation, et les loisirs soient à une courte distance de chaque domicile.
• Réduction de l’Empreinte Carbone: Limiter les déplacements polluants pour répondre à l’urgence climatique.
• Chronourbanisme: Adapter le rythme de la ville pour réduire les déplacements pendulaires et favoriser une meilleure qualité de vie.
• Chronotopie et Topophilie: Utiliser les lieux existants pour divers usages et renforcer l’attachement des gens à leur quartier.

Ce concept a également été adopté par d’autres métropoles mondiales et fait partie d’une réponse globale aux défis urbains de la crise climatique par exemple. C’est une vision ambitieuse qui repense l’organisation urbaine et son économie pour une vie plus intégrée et durable.

Une utopie me direz vous ? Pas si sûr.

Les FabLabs s’inscrivent parfaitement dans cette vision en offrant des espaces de création et d’innovation au cœur des quartiers.

Les FabLabs comme Piliers de la Proximité Urbaine

Dans une ville du quart d’heure, les FabLabs deviennent des points de convergence pour les résidents, favorisant l’échange de connaissances et le développement de projets communs. Ils permettent de réduire les déplacements en centralisant les ressources et les compétences, ce qui contribue à une empreinte carbone plus faible et à une meilleure qualité de vie urbaine.

Innovation et Collaboration Locale

Les FabLabs encouragent l’innovation locale en mettant à disposition des outils de fabrication numérique et en promouvant l’apprentissage par la pratique. Ils démocratisent l’accès aux technologies de pointe et stimulent l’esprit d’initiative au niveau local, ce qui est essentiel pour une ville résiliente et réactive aux besoins de ses citoyens.

Réponse aux Crises et Durabilité

Nous le savons, en cas de crise, comme celle de la Covid-19, les FabLabs ont démontré leur capacité à répondre rapidement aux besoins locaux, en fabriquant par exemple des équipements de protection individuelle. Cette réactivité est un atout majeur pour le concept de ville du quart d’heure, où la capacité à s’adapter et à innover localement peut faire toute la différence.

En fait, les FabLabs sont essentiels pour expérimenter et réaliser la vision d’une ville de la proximité. Ils offrent un espace pour l’innovation collaborative, renforcent la résilience communautaire et soutiennent une économie circulaire et durable. C’est une composante clé pour bâtir des villes plus humaines et écologiques.

Fablabs et transition écologique :

Plus écologiques ? En effet selon l’ADEME (Agence de la transition écologique), les fablabs et les tiers-lieux jouent un rôle essentiel dans la transition écologique en contribuant à plusieurs aspects clés:

1. Innovation et prototypage : Les fablabs sont des lieux où les individus peuvent expérimenter, concevoir et prototyper des solutions innovantes. Ils favorisent l’invention d’objets, de technologies et de formes qui répondent aux défis environnementaux.
2. Éducation et sensibilisation : Les fablabs offrent des opportunités d’apprentissage pratique. Ils permettent aux écoles, universités et au grand public d’explorer les technologies numériques, la fabrication et la conception. Cela favorise la sensibilisation à l’écologie et à la durabilité.
3. Production locale et économie circulaire : Les fablabs soutiennent, en mode fabrication distribuée, la production locale en permettant aux entrepreneurs, artistes et créateurs de fabriquer des produits sur mesure. Ils encouragent également la réparation, le recyclage et la réutilisation des matériaux, contribuant ainsi à l’économie circulaire.
4. Aménagement durable et rénovation énergétique : Certains tiers-lieux, y compris les fablabs, se concentrent sur la rénovation énergétique des bâtiments et l’utilisation durable de l’espace. Ils peuvent réhabiliter des friches industrielles ou des espaces vacants pour des usages écologiques. Cesure, tiers-lieu apprenant à Paris dans les locaux de l’ancienne Sorbonne Nouvelle en est un exemple emblématique.
5. Mobilité propre et télétravail : Les tiers-lieux favorisent la mobilité propre en encourageant le télétravail et en réduisant les déplacements. Ils sont des lieux où les individus peuvent travailler de manière flexible, contribuant ainsi à la réduction des émissions de carbone.

En maillant finement les territoires et quartiers de Fablabs et de tiers-lieux en tant qu’acteurs clés de la transition écologique, nous pouvons véritablement stimuler la réalisation de l’objectif crucial de neutralité carbone d’ici 2050, tout en catalysant l’innovation, l’éducation, la production locale et des pratiques plus durables.

Dans ce jeu passionnant d’acteurs privés et publics, nous croyons fermement que les Labenbib portés par les bibliothèques peuvent jouer un rôle crucial face à cet enjeu majeur du siècle. Les bibliothèques tissent déjà une trame sur le territoire, et nous sommes convaincus de leur capacité à participer activement pour obtenir un changement significatif.